Professionnels de santé : Qui contrôle leur activité ?

La loi ne fait pas de sentiment : elle autorise l’Assurance Maladie à exiger jusqu’à cinq années d’honoraires d’un professionnel de santé, même en l’absence de manœuvre frauduleuse. Pourtant, la fameuse charte de contrôle, ardemment négociée avec les représentants des praticiens, ne lie en réalité que l’Assurance Maladie elle-même. Les professionnels contrôlés n’y trouvent aucune garantie opposable.

Il arrive que des pratiques de facturation, tolérées ou rectifiées sans heurts pendant des années, se retrouvent du jour au lendemain au cœur d’un redressement massif. L’accès au dossier de contrôle ne va pas toujours de soi, et la notification des griefs manque parfois de clarté, malgré les promesses de procédure contradictoire qu’affiche la réglementation.

Qui contrôle réellement l’activité des professionnels de santé en France ?

Le regard porté sur l’activité quotidienne des professionnels de santé ne se limite pas à une autorité unique. Plusieurs instances se partagent ce rôle, chacune avec ses méthodes et ses priorités. En première ligne, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et son service du contrôle médical surveillent la conformité des actes, la régularité des prescriptions, la pertinence des soins. Tous les praticiens conventionnés sont concernés, du médecin à l’infirmier. Selon la gravité des faits décelés, la CPAM peut saisir la section des assurances sociales ou la chambre disciplinaire de première instance. Si une infraction pénale est soupçonnée, exercice illégal de la médecine, faux titres, le dossier passe entre les mains du procureur de la République.

Pour les praticiens de médecines douces ou non conventionnelles, le contrôle se partage différemment. La DGCCRF, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, intervient sur ce secteur éclaté, structuré autour d’organisations comme l’OMNES ou la FÉNA, fédération des écoles privées de naturopathie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la DGCCRF a récemment relevé 68 % d’anomalies lors de ses inspections dans les médecines alternatives. Cette proportion illustre la diversité des formations, des pratiques, et la difficulté d’unifier un secteur sans vrai cadre réglementaire.

Voici comment les principaux organismes interviennent dans le contrôle des professionnels de santé :

  • La section des assurances sociales peut interdire à un professionnel de dispenser des soins.
  • La chambre disciplinaire de première instance tranche les manquements déontologiques et professionnels.
  • La DGCCRF cible avant tout la loyauté des informations, la conformité des pratiques commerciales, la sécurité des produits distribués.

Le secteur des médecines non conventionnelles se structure lentement. À Saint-Étienne, l’académie européenne des médecines naturelles, la faculté libre de naturopathie ou divers distributeurs de compléments alimentaires contribuent à la formation et parfois à la rémunération des praticiens. Pour les autorités, surveiller ce paysage mouvant relève du défi permanent.

Comprendre les étapes clés d’un contrôle par l’Assurance Maladie

Le contrôle médical mené par l’assurance maladie suit une organisation précise. Cette procédure, pensée pour garantir la légalité des investigations et le respect des droits du professionnel de santé, ne laisse rien au hasard. Tout commence par la détection d’anomalies : prescriptions inhabituelles, actes répétés, incohérences dans les remboursements. Le service du contrôle médical de la CPAM ouvre alors un dossier.

Le premier acte officiel : la notification des griefs. Par lettre recommandée, le professionnel reçoit la liste détaillée des faits reprochés. Ce courrier lui permet de préparer sa défense. Ici, le principe du contradictoire entre en jeu : médecin, pharmacien, infirmier disposent d’un temps déterminé pour expliquer, justifier, ou demander un entretien.

L’instruction suit. Le service médical analyse les réponses, auditionne le professionnel si besoin, et examine les dossiers concernés. Si les griefs tiennent, plusieurs issues sont possibles. La CPAM peut réclamer un indu (remboursement de sommes versées à tort), infliger une pénalité financière, ou saisir la section des assurances sociales ou la chambre disciplinaire de première instance. Pour les cas graves, une transmission au procureur de la République a lieu.

À chaque étape, le recours reste possible. Les professionnels peuvent saisir la cour d’appel de Riom, puis la cour de cassation si nécessaire. Cette procédure, rigoureuse, cherche à concilier exigences administratives et respect des droits des praticiens.

La charte CNAM : un cadre pour garantir transparence et équité

La charte du contrôle de l’activité des professionnels de santé vise à détailler le déroulement des contrôles effectués par l’assurance maladie. Ce texte, rédigé par la CNAM, précise les étapes clés : notification, échanges contradictoires, délais, recours possibles. Pourtant, la charte n’a aucune force obligatoire pour les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). Elle n’engage ni la responsabilité des CPAM ni celle des organismes de sécurité sociale. Seul le code de la sécurité sociale fixe les règles pour le recouvrement des indus et les sanctions.

Pour les professionnels de santé, la charte sert avant tout d’outil de compréhension. Elle éclaire les droits du praticien : accès au dossier, possibilité d’être assisté, respect du principe du contradictoire. La CNAM met en avant la transparence et l’équité des procédures, mais l’effet concret du texte reste limité.

Le code de la sécurité sociale encadre strictement la procédure : recouvrement des indus, notification des griefs, sanctions. Seules ces règles ont valeur légale. La charte, quant à elle, a un rôle explicatif. Elle ne remplace pas le droit et ne peut justifier une contestation devant un tribunal. Les praticiens doivent donc la considérer comme une source d’information, sans ignorer la primauté du droit écrit.

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Quels sont vos droits et comment réagir sereinement face à un contrôle ?

Recevoir une notification de contrôle de l’assurance maladie provoque souvent des doutes, parfois une vive inquiétude. Pourtant, le respect des droits de la défense et du principe du contradictoire constitue une obligation à chaque étape. Dès la première lettre recommandée, le professionnel doit connaître précisément les faits retenus contre lui. Cette transparence ouvre l’accès au dossier complet et offre la possibilité de répondre de façon argumentée, point par point.

Lorsqu’un contrôle survient, la rigueur devient la meilleure stratégie. Il s’agit de constituer un dossier solide, de conserver chaque échange, et, si besoin, de demander l’appui d’un avocat connaissant le droit de la sécurité sociale. Éric Rocheblave, spécialiste reconnu, le souligne : l’absence de respect des droits fondamentaux, notamment du contradictoire, peut entraîner l’annulation pure et simple de la procédure, y compris devant la chambre disciplinaire ou la section des assurances sociales.

La question de la protection des données personnelles n’est pas anodine. La CNIL reçoit régulièrement des signalements sur des transmissions d’informations médicales sans sécurisation suffisante, ce qui peut fragiliser la légalité d’un contrôle.

Pour traverser ces démarches sans faux pas, quelques réflexes s’imposent :

  • Identifiez toujours clairement la personne ou le service chargé du contrôle.
  • Demandez à consulter toutes les pièces du dossier.
  • Organisez votre réponse dans les délais impartis.

Personne n’est isolé face à la procédure : il existe des voies de recours auprès du conseil de l’ordre, des juridictions administratives, ou de la CNIL en cas d’atteinte à la confidentialité. Se tenir informé et connaître précisément ses droits, c’est se donner toutes les chances de traverser la tempête sans chavirer.