Statistiquement, plus d’une personne âgée sur dix ferme les yeux plusieurs heures par jour sans dormir. L’image semble anodine, mais derrière ces paupières closes, les raisons se multiplient et parfois inquiètent l’entourage.
Rester les yeux fermés longtemps, chez une personne âgée, n’a rien d’anodin. Contrairement à ce que l’on imagine, ce geste ne traduit pas toujours un besoin de repos. Les médicaments, notamment les anxiolytiques ou certains antipsychotiques, influent sur ce comportement ; ils peuvent engourdir la vigilance, jusqu’à rendre pénible l’effort d’ouvrir les paupières. À cela s’ajoutent des affections neurologiques, comme la maladie de Parkinson ou les séquelles d’un accident vasculaire cérébral, qui bouleversent la commande musculaire et rendent difficile le maintien des yeux ouverts.
D’autres facteurs pèsent dans la balance. La force des muscles oculaires décline avec le temps, la sécheresse des yeux s’installe, la lumière blesse plus facilement. Ce cocktail de gênes impose une surveillance discrète mais régulière, histoire de distinguer une simple adaptation d’un problème plus profond : trouble oculaire ou perte des fonctions motrices.
Le vieillissement et ses effets sur la santé des yeux
Avec le temps, la machine humaine évolue, et les yeux n’échappent pas à la règle. La vieillesse amène des changements progressifs : le cristallin perd de sa limpidité, la souplesse se fait rare. La cataracte s’installe, la vision se brouille, les couleurs paraissent moins franches, et la lumière devient vite agressive. La presbytie, elle, complique la lecture de près, faute d’un œil capable de s’accommoder sans aide.
Les maladies oculaires frappent fort chez les seniors. La DMLA, cette dégénérescence de la macula, grignote la vision centrale et déforme le monde, jusqu’à faire apparaître des taches sombres là où il n’y avait rien. Le glaucome, quant à lui, avance sans bruit, attaquant le nerf optique et rétrécissant le champ de vision. Sans intervention, il peut mener à la cécité. Autre exemple : la rétinopathie diabétique, qui abîme les vaisseaux de la rétine et brouille soudainement la vue, souvent chez les personnes diabétiques.
La sécheresse des yeux, la blépharite ou la conjonctivite s’invitent aussi, provoquant irritations et inconfort, parfois jusqu’à pousser à fermer les yeux pour se protéger. Il arrive même que des contractions involontaires des paupières, le blépharospasme, s’installent. Toutes ces évolutions transforment la perception du monde et, parfois, rendent la fermeture des yeux presque inévitable, comme une adaptation discrète à la gêne ou à la fatigue constante.
Pourquoi certaines personnes âgées gardent-elles souvent les yeux fermés ?
Chez la personne âgée, garder les paupières closes longtemps n’est pas un simple réflexe. Plusieurs facteurs se mêlent. La sécheresse oculaire revient souvent en tête : avec l’âge, les glandes lacrymales tournent au ralenti, la cornée devient fragile. Résultat, fermer les yeux, c’est tenter d’apaiser la sensation de brûlure ou d’irritation persistante.
Les troubles des paupières sont aussi à surveiller. La blépharite, inflammation chronique du bord des paupières, entraîne rougeurs, démangeaisons, parfois même des croûtes à la racine des cils. Face à ces désagréments, fermer les yeux devient un réflexe d’apaisement. Le blépharospasme, plus rare, provoque quant à lui des contractions incontrôlées des muscles des paupières, les maintenant fermées malgré la volonté de les ouvrir. Ce trouble, mal connu, pèse lourdement sur la qualité de vie.
La faiblesse musculaire, qu’elle soit liée à l’âge ou à une maladie neurologique, Parkinson, sclérose en plaques, séquelles d’AVC, rend parfois l’ouverture des yeux difficile, voire impossible sans effort. Cela s’accompagne souvent de mouvements ralentis, d’une fatigue omniprésente, et parfois d’un moral en berne.
Mais tout ne s’explique pas par la biologie. Parfois, l’isolement social, la lassitude ou la perte de stimulation sensorielle amènent à fermer les yeux, comme pour se retrancher d’un monde devenu trop agressif ou trop fade.
Signes à surveiller : quand l’œil révèle une fragilité ou un trouble
Certains signes doivent interpeller. Il ne s’agit pas de simples inconforts passagers : une vision qui se brouille, l’apparition de taches sombres ou de halos, des objets qui semblent se déformer ou une sensibilité marquée à la lumière. Ces symptômes sont souvent les premiers signaux d’alerte d’une maladie oculaire en développement.
Voici les manifestations à connaître pour ne pas passer à côté :
- Un scotome central peut signaler une DMLA au début de son évolution.
- Une réduction progressive du champ visuel fait penser au glaucome.
- Une baisse de la vision de près, impossible à corriger spontanément, évoque une presbytie qui s’aggrave.
- Une vision brouillée et l’apparition soudaine de points noirs doivent faire envisager une rétinopathie diabétique.
Les répercussions ne s’arrêtent pas à la vue. Perte d’autonomie, isolement, risque de chutes à répétition, anxiété, voire dépression : l’atteinte oculaire bouleverse l’équilibre global. Dès que la fermeture des yeux s’accompagne de l’un de ces symptômes, consulter un ophtalmologiste devient urgent.
L’examen se base sur différents tests : fond d’œil, OCT, mesure de la pression intraoculaire… autant d’outils pour dresser un état des lieux précis et prévenir une aggravation. Préserver la qualité de vie passe par cette vigilance régulière.
Conseils pratiques pour limiter les risques de chutes liés aux troubles oculaires
Adopter les bons réflexes chez soi réduit les accidents. Pour limiter les risques de chute en cas de troubles visuels, mieux vaut anticiper et adapter l’environnement domestique :
- Renforcez l’éclairage dans chaque pièce.
- Éliminez les obstacles au sol et les tapis glissants.
- Prévoyez des barres d’appui dans les zones de passage et la salle de bain.
L’usage d’aides optiques adaptées, lunettes à la correction à jour, loupes électroniques, filtres anti-éblouissement, améliore la perception de l’espace et rassure lors des déplacements.
L’accompagnement quotidien par une aide à domicile ou un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) brise la solitude et permet un suivi plus global. Certains organismes comme l’ADIAM proposent ce type d’accompagnement, alliant soutien moral et aide concrète dans les gestes du quotidien.
Enfin, miser sur une alimentation variée et riche en antioxydants ou oméga-3 soutient le maintien d’une bonne santé oculaire. Maîtriser son poids, arrêter le tabac, limiter l’alcool : autant de leviers pour préserver la circulation sanguine de la rétine. Et ne négligez pas les contrôles réguliers chez l’ophtalmologiste : la prévention, ici, fait toute la différence.
Les paupières closes d’une personne âgée disent parfois bien plus qu’un simple besoin de repos. Entre adaptation, gêne et signal d’alerte, chaque battement de cils mérite d’être entendu. Parfois, c’est juste une façon de retrouver le confort ; parfois, c’est toute une histoire de santé à décrypter, œil dans l’œil avec la réalité du vieillissement.


